84 Series A en 2023 : Entre continuité et nouveaux paradigmes
84 startups ont franchi le cap de la Series A en 2023, contre 100 en 2022 et 42 en 2021 : quelles leçons tirer de ces trois années ?
L'auteur de ce post est Julien Petit
Voici la troisième édition de cette étude sur le nombre exact d’entreprises (aka startup) qui ont réussi une Series A en France.
Cette nouvelle édition sera plus riche : au-delà de l’analyse des résultats de 2023, nous mettrons en perspective l’ensemble des trois études réalisées à ce jour. Quelles tendances se dessinent ? Quelles évolutions peut-on observer ? Quels enseignements, parfois surprenants, pouvons-nous en tirer ?
🛣 Si vous n’avez pas envie de lire cette étude et préférez un résumé des données sous forme de slide deck, voici le LIEN.
📊 Pour les plus curieux, avides de données brutes et d’analyse croisée, vous pouvez jeter un coup d’œil à la base de données via ce LIEN.
👉 Les études des années précédentes : 2021 et 2022
Présentation des données sur les entreprises qui ont réalisé une Series A en 2023
Combien d’entreprises ont réussi une Series A en 2023 ?
La donnée principale de cette étude est le chiffre de 84, le nombre d’entreprises qui ont fait une Series A.
Chaque année je le répète, mais d’aller simplement sur les bases de données et faire une recherche rapide avec les mot-clé “Series A” et “2023” ne vous donnera pas le chiffre exact, car les données proviennent d’article de presse en ligne qui ont été scrappés et si les relations presses de l’entreprise ont mis une grosse couche “marketing” sur l’annonce, alors les données vont manquer d’exactitude. Si l’on veut être précis, c’est comme pour Wikipedia, il faut faire un travail rigoureux et recouper l’info.
Lorsque l’on prend la prend les chiffres de 2021 et 2022, la moyenne est donc de 75. On peut donc imaginer que le nombre d’opportunité pour faire une Series A par an se trouve autour de ce chiffre. Il n’y a pas de raison que ce chiffre diminue drastiquement dans les années à venir, car tous les VCs les plus actifs en France ont levé de nouveaux fonds et donc ils sont un peu obligés de les déployer. Par conséquent on peut s’attendre à ce que le rythme soit constant et qu’une vitesse de croisière s’installe.
Quelle est la probabilité pour réussir une Series A ?
En 2023 la probabilité pour faire une Series A était de 1,7%.
L’année dernière, notre analyse avait montré que seulement 100 startups avaient atteint le stade de la Series A en 2022, ce qui représentait une probabilité de 2%.
Cette année encore, nous avons appliqué les mêmes hypothèses et principes méthodologiques afin de garantir la cohérence des résultats. Pour ceux qui souhaitent connaître ces hypothèses et principes ou revisiter notre étude de 2022, vous pouvez la consulter ici, ou en annexe à la fin de l’étude.
Paris domine encore la concurrence régionale
Paris est toujours sur le haut du podium avec 62% des Series A.
Mais cette année Lyon est clairement sortie du lot, en qualifiant 9 startups en Series A, un record:
5 de ces deals ont été faits par des acteurs avec des encrages lyonnais forts, comme Axeleo qui a investi dans Tenacy et Mob-Energy, Demeter qui a investi dans RED Horticulture, le Fonds Souverain Auvergne-Rhône-Alpes qui a investi dans Stane et La Banques des Territoires qui a investi dans Vizcab.
4 deals ont été faits par des fonds corporates, par exemple Orange Digitale Venture qui a investi dans Datagalaxy, Crédit Mutuel dans Mecaware, Eurazeo (fonds corporate) qui a investi dans Million Victories, et aussi Serena, qui gère le fonds MGEM nommé Racine2, qui a investi dans Santé Académie.
À noter que Rennes a qualifié 4 entreprises en Series A : Check & Visit, Agriodor, Simango et Purecontrol.
Avoir des VCs à son premier tour est toujours important pour faire une Series A
L’analyse reste la même cette année, même si la tendance montre une légère baisse : désormais, 60% des entreprises ayant levé une Series A avaient déjà un VC au capital dès le premier tour.
Ce schéma, bien que moins marqué qu’auparavant, persiste. Les raisons demeurent inchangées : les VCs, de par leur agilité et leur réseau, détectent rapidement les “hot deals” et verrouillent les meilleures opportunités avant même que les BAs puissent entrer en jeu. Ce cercle fermé d’investisseurs connectés, où les anciens entrepreneurs devenus BAs partagent leurs pépites avec leurs VCs favoris, continue d’exclure les outsiders du game.
Le monde de l’investissement startup préfère les “Bits” et moins les “Atoms”
Les SaaS B2B continuent de dominer, mais on observe un changement notable : le pourcentage d’entreprises purement software a chuté de 67% à 44%, tandis que le modèle “software + people” grimpe de 16% à 24%.
Par ailleurs, la medtech a désormais surpassé les fintechs en termes d’attractivité pour les investisseurs.
Les VCs favorisent encore les produits faits de “bits”, plutôt que les produits faits “d’atomes”.
La parité Homme vs. Femme progresse
Il y a une des femmes entrepreneurs qui réussissent une Series A, passant de 9% à 12%, mais clairement on n’est pas au niveau de l’enjeu !
Zoom sur les caractéristiques les plus présentes chez les entrepreneurs Series A compatible
Loin des récits romantiques du jeune codeur solitaire transformant une idée en empire, la réalité du monde des startups en France est plus nuancée. Un portrait-robot émerge clairement : les entrepreneurs qui attirent l’attention des VCs ne sortent pas de nulle part.
Profil des entrepreneurs :
• 18% (30/164) ont déjà eu une expérience entrepreneuriale.
• 18% (31/164) sont passés par des prépas prestigieuses (comme Stanislas, Henri IV, Lycée Sainte-Geneviève).
• 14% (24/164) ont une expérience en startup.
• 20% (34/164) ont travaillé dans un grand groupe.
• 6% (10/164) ont une expérience en consulting.
• Seulement 7% (12/164) ont un PhD.
• Seulement 8% (14/164) ont un profil de développeur senior.
• Seuls 2 entrepreneurs ont eu une carrière de VC.
🤝 Il est important de noter que 35% des startups ont des fondateurs qui ont des relations fortes liées, dans le sens où ils se connaissent depuis très longtemps et ont souvent collaborer ensemble par le passé :
• 12 startups ont des fondateurs qui se connaissaient grâce à des expériences professionnelles antérieures, ils ont travaillé dans la même entreprise.
• 5 startups ont des fondateurs ayant entrepris ensemble dans le passé, ils étaient déjà associés sur aventure entrepreneuriale.
• 13 startups ont des fondateurs qui se sont rencontrés durant leurs études.
Qui sont les fonds les plus actifs en Series A en 2023 ?
L’année dernière c’était Eurazeo qui a été le plus actif, mais pas cette année, ils n’ont participé qu’à deux Series A (Million Victories et Poppins).
C’est Crédit Mutuel qui a été le plus actif, au travers de ses deux fonds : Crédit Mutuel Innovation et Crédit Mutuel Equity (CM-CIC).
Mais aussi Educapital, qui a été créé en 2017, et qui sur cette année 2023 à commencer à déployer son deuxième fonds de €150M. Pour le démarrage de ce deuxième fonds ils ont activement investi dans 5 startups (Hupso, Merciapp, Mentorshow, Lunii et HappyPal).
😲😲😲 Par contre de nombreux fonds tier-1 n’ont pas participé aux Series A de 2023. Ce qui peut-être inquiétant pour l’avenir et un angle mort à ne pas prendre à la légère : Partech, Evolem, Xange, Daphni, Aglaé, Elaia, Ventech, 360 Capital, White Star Capital, Balderton, Index Ventures, GFC, Atomico, Dawn Capital, Connect Ventures, Sequoia, Localglobe, Frontline, Heartcore, Accel, Benchmark, Eight Roads, Firstmark, Orange Digitale Venture, Creandum, Northzone, Hedosophia, Felix Capital, Notion Capital & Blossom Capital.
Analyse comparative : Les tendances émergentes sur trois ans
Les tendances structurelles qui persistent
1. Domination parisienne toujours présente, mais érodée
Paris continue de dominer les levées de fonds Series A, bien que cette hégémonie s’effrite. En 2022, 84% des startups ayant levé une Series A étaient basées à Paris, mais ce chiffre chute à 62% en 2023.
2. Le Rôle des VCs au premier tour d’investissement
Historiquement, les startups qui bénéficiaient d’un tour de Seed mené par des VCs avaient une longueur d’avance pour accéder à une Series A. En 2022, 77% des levées Series A étaient précédées par un tour Seed mené par des VCs. En 2023, ce chiffre tombe à 60%.
Pour les startups qui se sont uniquement appuyées sur des Business Angels au tour Seed, accéder à une Series A reste un défi de taille. La crédibilité apportée par un VC reste une valeur sûre. Les VCs Seed et Series A sont aussi sur la même longueur d'onde en termes d'objectif financier et modèle économique (asymétrie d'intérêt entre VC et BA).
3. La prépondérance des startups logiciels diminue (légèrement)
En 2022, 67% des startups ayant levé une Series A étaient des entreprises purement logicielles. Ce modèle, qui avait longtemps dominé en raison de sa soi-disant "scalabilité" rapide et de ses marges élevées, voit aujourd’hui sa part diminuer à 44% en 2023.
Les investisseurs semblent se tourner vers des modèles hybrides, combinant software et opérations, qui passent de 16% en 2022 à 24% en 2023.
4. Profil des entrepreneurs qui réussissent une Series A
Les données montrent que les fondateurs ayant déjà une expérience entrepreneuriale réussissent bien plus souvent à lever une Series A.
Par ailleurs, les diplômés d’écoles prestigieuses (comme HEC, Polytechnique, ou Sciences Po), et surtout une formation dans une école préparatoire prestigieuse, sont également surreprésentés. De même, les entrepreneurs issus du conseil (McKinsey, BCG, Bain).
Cependant, un déséquilibre persistant demeure dans la diversité des profils : les femmes fondatrices restent largement sous-représentées. En 2022, elles ne représentaient que 9% des fondateurs de startups ayant levé une Series A, un chiffre qui n’a progressé que légèrement à 12% en 2023.
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Les changements majeurs observés en 2023
1. Évolution des secteurs : la Fintech supplantée par la Medtech
En 2022, la fintech dominait avec 21% des levées de Series A, portée par l’engouement pour les néobanques, les solutions de paiements et les services financiers digitalisés. Cependant, en 2023, c’est la medtech qui prend la première place avec 13%.
2. L’Ascension des solo-founders : Un changement de paradigme ?
Une autre évolution marquante est la montée en puissance des solo-founders. En 2022, seuls 14% des Series A étaient levées par des startups fondées par une seule personne. Ce chiffre grimpe à 26% en 2023.
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Le niveau d’activité des fonds
1. La faible activité des fonds VC Français
Les chiffres révèlent que les fonds français investissent en moyenne dans moins d’une startup en Series A par an. La moyenne est précisément de 1,3 deal par an.
Parmi les exceptions, certains fonds se démarquent :
• Serena : Moyenne de 2,3 investissements par an, avec un pic en 2021 (4 Series A), une baisse en 2022 (2) et seulement 1 en 2023.
• ISAI : Également à 2,3 en moyenne, avec un record en 2022 (5 Series A) mais seulement 1 en 2021 et 2023. À noter que les investissements en Seed d'ISAI font quelques années après de beau tour de Series A.
• Eurazeo : Le plus actif en moyenne avec 4,3 Series A par an, incluant un maximum de 6 en 2022.
• Daphni : Moyenne de 3 investissements par an, avec une forte activité en 2021 (5 Series A), une baisse progressive jusqu’à 0 en 2023.
• Alven : 2,7 en moyenne, montrant également un déclin d’activité (5 en 2021, 2 en 2022, 1 en 2023).
• Omnes : Moyenne de 2, avec un pic en 2022 (4 Series A) mais seulement 1 par an pour 2021 et 2023.
• Seventure : Actif avec 2 Series A en moyenne, mais rien en 2021, suivis par 4 en 2022 et 2 en 2023.
• Crédit Mutuel : 3 Series A par an en moyenne, avec une absence totale en 2021, puis 3 en 2022, culminant à 6 en 2023.
2. Le recul des fonds internationaux
Les fonds européens et américains ne se montrent pas particulièrement actifs en France, avec moins d’un investissement en Series A par an en moyenne en 2023. Parmi les 29 fonds internationaux ayant investi au moins une fois dans une Series A en France, leur engagement reste limité : en moyenne, chacun n’a financé que 0,4 startup par an. Même les acteurs les plus actifs comme Balderton, Accel, Northzone, P9, a16z et Speedinvest ne dépassent guère ce seuil, avec tout juste un peu plus d’un investissement par an chacun (Balderton étant le plus actif avec 1,3 investissement par an).
Certains fonds VC internationaux de renom, tels Northzone, Index, Dawn Capital, Benchmark, Firstmark, Hedosophia n'ont pas participé aux Series A entre 2021 et 2023.
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La règle des 24 Mois
Le dilemme de la Serie B : Croissance vs. Survie
Depuis une décennie, la fameuse règle des 24 mois entre levées a dicté le tempo des startups. Une cadence claire : après une Series A, une entreprise disposait de deux ans pour démontrer une capacité d’hypercroissance, sécuriser sa position sur le marché, et justifier une levée de Series B — étape clé pour continuer sa trajectoire. Mais aujourd’hui, cet équilibre est plus précaire que jamais.
Un équilibre délicat
Les startups font face à un dilemme cornélien :
Croître vite pour rester dans le VC game : Déployer agressivement les fonds levés est nécessaire pour atteindre une position dominante sur le marché, attirer l’attention des investisseurs et sécuriser la prochaine injection de cash.
Rester trop prudent peut aussi mener à une sortie de route : En cherchant à limiter l’investissement et le cash déployé, on risque de ne pas atteindre les métriques et le niveau de performance attendus par les investisseurs en Series B, compromettant ainsi l’avenir de l’entreprise.
C’est une ligne de crête dangereuse. Être trop conservateur signifie manquer le niveau de croissance requis par les VCs. Pousser trop fort, c’est risquer le crash si une Series B échoue à se concrétiser.
L’avenir appartient à celles qui sauront maîtriser cet équilibre fragile entre déploiement agressif et gestion prudente. Mais une chose est sûre : rater la Series B, c’est probablement signer la fin de l’aventure et surtout signer la fin de l’ambition pour devenir le leader de sa catégorie.
De la Series A à la B : Ce que 2021 nous apprend
Pour comprendre ce phénomène, nous nous sommes penchés sur les startups françaises qui ont levé une Series A en 2021. Sur les 42 startups qui ont réussi ce tour cette année-là :
• 10 startups seulement ont réussi à lever une Series B, soit un taux de conversion de 23%. Autrement dit, près de 8 startups sur 10 n’ont pas réussi à franchir cette étape critique.
• 1 seule startup, Pennylane, a réussi à lever une Series C. Ce chiffre souligne à quel point il devient de plus en plus difficile de continuer à accéder à des fonds pour les stades avancés.
• 7 startups ont dû se contenter de levées “bridge”. Cela indique une difficulté à lever des tours classiques, les “bridge rounds” servant souvent de bouées de sauvetage pour prolonger le runway. Ces tours de financement d’urgence sont généralement moins avantageux, dilutifs et souvent perçus comme un signe de fragilité.
• 17 startups, soit 40%, n’ont pas réussi à lever de fonds supplémentaires depuis leur Series A, posant de sérieuses questions sur leur pérennité. Parmi celles-ci, 2 ont déjà cessé leurs activités, illustrant la dure réalité d’un marché devenu plus exigeant.
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Le “Don’t Look Up Effect” persiste
Il est frappant de constater qu’en 2024, malgré les multiples signaux d’alarme, trop d’entrepreneurs continuent de croire qu’une Series A est un droit acquis, comme si lever des fonds relevait d’une simple formalité. Cette illusion, que j’ai qualifiée dès 2021 de “Don’t Look Up Effect”, est toujours d’actualité, malgré les réalités du marché qui crient le contraire.
À l’époque, mon étude révélait que, contrairement aux chiffres optimistes annoncés par des sources telles que Dealroom, seules 42 startups avaient réellement réussi à boucler une Series A en France cette année-là. Cette révélation avait suscité des réactions sceptiques : certains doutaient de la validité de mes chiffres, d’autres étaient simplement choqués par l’écart entre la perception et la réalité du marché. Pourtant, malgré les critiques, il était essentiel de mettre en lumière cette illusion collective qui berçait l’écosystème entrepreneurial français.
Trois ans plus tard, l’histoire se répète. Mon étude récente sur les Series A en 2023 confirme à nouveau que l’accès au financement early-stage reste un privilège réservé à une minorité d’élus rigoureusement calibrés (et non préparés). En 2023, seuls 84 deals ont été conclus, un chiffre qui contraste fortement avec les discours optimistes et les projections gonflées relayées par l'écosystème entrepreneurial et autres institutions de soutien. Il est grand temps de cesser de détourner le regard.
L’illusion d’un accès facile aux fonds continue pourtant de dominer les conversations dans les écosystèmes startup, alimentant des attentes irréalistes chez de nombreux fondateurs. Trop d’entrepreneurs persistent à penser qu’avoir une bonne idée, un SaaS et quelques KPIs suffisent à lever des millions, alors que la réalité est tout autre. Lever une Series A n’est pas un simple contrôle continu où tout le monde obtient sa part. C’est un examen d’une sélectivité impitoyable, où seuls les plus préparés, les plus stratégiques, et ceux qui ont véritablement compris les règles du “VC game” passent le cap.
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Conclusion : La mémoire sélective de l’écosystème startup est un signal inquiétant ?
Il est étonnant de constater que, parmi plus de 200 experts interrogés — y compris des General Partners de fonds de renom —, personne n’a su me répondre précisément lorsqu’on leur a demandé de nommer les entreprises françaises VC-backed ayant réalisé des exits à plus d’un milliard d’euros. Ce manque de connaissance collective n’est pas seulement surprenant, il est révélateur d’un problème plus profond. Si, dans toute compétition de haut niveau, connaître ses champions est essentiel pour se calibrer, pourquoi en serait-il autrement pour le VC Game ? Si même les experts ne savent pas citer ces success stories, comment espérer que nos entrepreneurs puissent eux-mêmes se positionner pour réussir ? (La réponse est Criteo, Believe et Kyriba = $5,5Md au total).
🇪🇺 Voir l’étude sur les sorties en Europe à plus d’un milliard
Cette ignorance est d’autant plus alarmante lorsqu’on examine les chiffres que j’ai révélés dans mon étude sur les exits en Europe. La France se classe à une dixième position en termes de montant total des sorties à plus d’un milliard d’euros. Avec seulement 5,5 milliards de sorties au total sur les 20 dernières années, nous sommes loin derrière des pays comme l’Angleterre (65 milliards), l’Allemagne (55 milliards), ou même la Suède (45 milliards). Pire encore, la Roumanie, avec une seule entreprise, a généré 35 milliards d’exits. Comment se fait-il que personne n’ait vu venir cette sous-performance flagrante de l’écosystème français ? Il semble qu’il y ait eu une sorte de mémoire sélective, une réticence collective à regarder là où cela fait mal.
Plutôt que de se focaliser sur des débats stériles autour des dispositifs d’aide étatiques comme le JEI ou le CIR, notre priorité devrait être de comprendre les règles fondamentales du VC Game. Pour réussir, il faut viser un x3 minimum sur un portfolio, ce qui implique nécessairement des exits majeurs à plus d’un milliard. Pourtant, force est de constater que nous sommes en retard. Cette autocongratulation collective qui consiste à nous persuader que tout va bien, simplement parce que des levées de fonds spectaculaires sont annoncées, est un leurre. Nous ne sommes pas à la hauteur, et il est crucial de l’admettre pour rectifier le tir rapidement.
En ne regardant pas les vrais indicateurs de performance, comment espérer aider nos entrepreneurs à se calibrer pour une compétition qui est, par nature, extrêmement difficile et compétitive ? La situation actuelle montre que nous nous concentrons sur les mauvais objectifs et que, par conséquent, nous manquons l’opportunité de créer un écosystème véritablement compétitif, capable de rivaliser avec nos voisins européens et surtout cousin américains.
Annexe
Présentation de notre méthode : une approche rigoureuse, transparente et collaborative
🕵️♂️ Chaque année, cette étude repose sur une démarche rigoureuse pour garantir la fiabilité et la pertinence des données. Contrairement à de nombreuses analyses qui se limitent à des extrapolations rapides, nous avons opté pour une approche approfondie, vérifiable et une méthodologie articulée autour de plusieurs étapes clés.
Étape 1 : Collaboration avec Dealroom pour la collecte initiale
Nous avons la chance de collaborer avec Dealroom, une plateforme reconnue pour ses bases de données exhaustives sur les startups et les investissements. Ce partenariat nous permet d’accéder à une première couche de données structurées et fiables. Cependant, cette collecte automatisée ne constitue qu’un point de départ.
Étape 2 : Validation et enrichissement manuel des données
À partir des données fournies par Dealroom, nous avons mené un travail d’enrichissement et de validation approfondi. Cela inclut :
Contact direct avec des entrepreneurs et investisseurs : Pour croiser les informations issues de Dealroom et obtenir des confirmations sur les montants levés, les investisseurs impliqués et les dates des opérations.
Consultation des procès-verbaux d’assemblées générales : Dans 40% des cas, nous avons utilisé Pappers pour accéder aux documents officiels et vérifier avec précision les données relatives aux levées de fonds.
Étape 3 : Transparence et libre accès aux données
Un des points différenciants de cette étude est la mise à disposition des données en libre accès. Contrairement à de nombreuses analyses qui publient uniquement des conclusions sans permettre de vérifier les données et la méthodologie, nous avons pris le contre-pied. Tous les jeux de données utilisés seront accessibles, afin que chacun puisse explorer, analyser et valider les résultats.
Étape 4 : Une démarche artisanale et académique
Nous tenons à souligner que cette étude a été réalisée avec une approche artisanale, précise et méticuleuse, mêlant rigueur humaine et standard académique. Si l’automatisation facilite certaines étapes, nous avons choisi d’aller au-delà.
Voici les bases de données de l’étude :
- 2021
- 2022
- 2023
Quelle est notre définition d’une Series A ?
Une Series A est un tour de financement généralement supérieur à 3 millions d’euros, bien que le montant puisse parfois atteindre des sommes bien plus élevées. Cependant, le montant n’est pas le seul critère pour définir une Series A. Un autre critère essentiel est de savoir si la startup a déjà levé des fonds avant cette levée supérieure à 3 millions.
• Si le tour de 3 millions ou plus est le premier tour de financement de la startup, alors ce financement est considéré comme un tour de Seed.
• Si, en revanche, la startup a déjà effectué des tours de financement précédents (par exemple, un tour de 500 000€, 1 million€, ou 2 millions€), alors ce financement de plus de 3 millions d’euros sera qualifié de Series A.
En résumé : Pour qu’un tour soit considéré comme une Series A, il doit être supérieur à 3 millions d’euros et être précédé de levées de fonds antérieures. Si c’est le premier tour de financement et qu’il dépasse 3 millions d’euros, on le considère plutôt comme un tour de Seed.
Combien de startups font les premiers tours (pre Seed - Seed) ?
La question du nombre de startups réalisant un premier tour de table (pre-Seed ou Seed) est un casse-tête, principalement parce qu'il n'existe pas de définition universelle de ces étapes de financement. Dans notre analyse, nous avons adopté une approche pragmatique : une startup en pre-Seed ou Seed est une entreprise qui se qualifie comme "innovante", qui a injecté des fonds propres par les fondateurs ou des BAs, et qui a bénéficié de financements externes comme des prêts ou subventions (JEI, CIR…), souvent via des acteurs tels que BPI France.
D’après nos recherches et discussions avec des experts au cours des six dernières années, on estime qu’au moins 5000 entreprises par an, basées en France, correspondent à ces critères. Cela reste une estimation, car aucune organisation n’a encore mené une étude exhaustive sur le sujet. Ce chiffre sert de référence, corroboré par des données comme les 13 000 startups recensées par France Digitale encore en activité aujourd’hui. En supposant qu’au moins un tiers d’entre elles ont déjà réalisé un premier tour, ce chiffre reste cohérent.
Est-ce que les biotechs sont prises en compte dans l’étude ?
La catégorie biotech est un game à part entière, avec des VCs spécialisés et un parcours balisé. Les VCs biotech montent des fonds spécifiques à la biotech.
Cependant avec l’émergence des “deeptech” les frontières semblent s’effriter, mais il faut encore attendre quelques années pour voir si les investisseurs “deeptech” viennent prendre des deals aux fonds biotech.
Quelle est la raison d’être de ces études sur les Series A depuis trois ans ?
Ces études ont été initiées pour répondre à un besoin critique de clarification dans l’écosystème entrepreneurial. Depuis plusieurs années, un décalage flagrant existe entre les discours médiatiques exaltant les levées de fonds records et la réalité vécue par les startups. L’objectif principal est donc de fournir un ordre de grandeur réaliste sur le nombre de Series A effectuées chaque année en France, tout en déconstruisant certains mythes autour du financement VC.
Pourquoi ces études sont-elles essentielles ?
Lutter contre l’effet d’optique des chiffres flatteurs :
Le chiffre de “100 Series A” par an, par exemple, peut sembler impressionnant. Cependant, il est facile de mal interpréter ce nombre et d’en conclure que le marché est florissant. En réalité, ce chiffre révèle une concurrence féroce et une sélection drastique parmi les startups.
Rétablir la perception des entrepreneurs :
De nombreux entrepreneurs abordent leur prochain tour de table avec une confiance excessive, pensant que lever des fonds est une simple formalité. Les phrases courantes comme “on lève au Q3” ou “80 % de chances de réussir” reflètent un manque de préparation face à une réalité bien plus complexe. Ces études visent à rappeler que lever des fonds avec des VCs est un examen ultra-sélectif, pas un contrôle continu.
Introduire un nouveau cadre d’analyse pour l’écosystème :
Ce type de travail est quasiment absent des incubateurs, accélérateurs ou campus startup. Pourtant, reconnaître ces réalités pourrait constituer un avantage stratégique pour l’écosystème français. En adoptant une approche plus exigeante et basée sur des faits, nous pourrions évoluer vers une version 2 de l’écosystème startup, où la compétition et l’allocation des ressources seraient mieux comprises.
Créer un framework pour mieux se calibrer au VC game :
L’objectif ultime de ces études est d’aider les entrepreneurs à mieux se calibrer face aux règles du jeu imposées par les VCs. Ces règles reposent sur un simple constat : les opportunités de Series A sont limitées, et il est crucial de s’y préparer avec rigueur. En fournissant des données fiables, nous espérons non seulement éclairer le marché, mais également augmenter le pool de startups capables de réussir dans le VC game.
Une opportunité pour l’écosystème français
Accepter cette réalité ne signifie pas être pessimiste, mais plutôt saisir une opportunité unique. Si l’écosystème français parvient à intégrer cette compréhension plus tôt que d’autres marchés, il pourrait gagner un avantage concurrentiel majeur. Ce serait l’occasion de bâtir un environnement entrepreneurial plus performant et plus aligné avec les véritables exigences du financement early-stage.
En conclusion, ces études ne cherchent pas à donner une probabilité exacte de lever une Series A, mais à offrir une perspective réaliste pour éviter les illusions d’abondance. Nous poursuivrons ce travail pour informer, éveiller et mieux préparer les acteurs de demain.
L'auteur de ce post est Julien Petit
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